Philosophie

Mensonge ou vérité ?

L’un des « Dix commandements » de la Bible dit : « Tu ne porteras pas de faux témoignages contre ton prochain ». Pourtant, comme l’affirme le docteur House dans la série éponyme, « Tout le monde ment ». Plusieurs philosophes, de tous temps, ont débattu et se sont exprimés sur ce mal, ennemi de la vérité. Mais toute vérité est-elle bonne à dire ? Pourquoi mentons-nous? Et que cache le mensonge ?

Dans l’Antiquité, on retrouve chez Ésope – qui inspirera plus tard Jean de La Fontaine –, l’une des plus vieilles et célèbres histoires sur le mensonge, dans L’Enfant qui criait au loup.
Un berger, qui menait son troupeau assez loin du village, se livrait constamment à la même plaisanterie. Il appelait les habitants du village à son secours, en criant que les loups attaquaient ses moutons. Deux ou trois fois les gens du village s’effrayèrent et sortirent précipitamment, puis ils s’en retournèrent mystifiés. À la fin il arriva que des loups se présentèrent réellement. Tandis qu’ils saccageaient le troupeau, le berger appelait au secours les villageois ; mais ceux-ci, s’imaginant qu’il plaisantait comme d’habitude, se soucièrent peu de lui. Il arriva ainsi qu’il perdit ses moutons.
Cette fable montre que les menteurs ne gagnent qu’une chose, celle de n’être pas pris au sérieux, même lorsqu’ils disent la vérité.

Qu’est-ce que le mensonge ?

Le mensonge vient du latin mens qui veut dire esprit, et songe, le rêve. Dans le dictionnaire le Robert, il se définit comme l’affirmation de ce qu’on sait être faux, puis par le fait de nier ce qu’on sait être vrai ou encore de taire ce qu’on devrait dire (mensonge par omission).
Ainsi, la véracité serait l’antonyme du mensonge. Le dictionnaire Larousse définit la véracité comme la qualité de ce qui est conforme à la vérité ; l’authenticité.
Par conséquent le mensonge est un acte délibéré, là où l’erreur est la conséquence d’une ignorance, comme le souligne saint Augustin dans son traité sur le mensonge.
« C’est d’après la disposition de l’âme, et non d’après la vérité ou la fausseté des choses mêmes, qu’on doit juger que l’homme ment ou ne ment pas » (1).

Pourquoi mentons-nous ?

Suivant le type de mensonge, les causes en sont diverses. 
On peut mentir en renvoyant une fausse image de sa personne, en espérant être aimé par les autres. Par exemple, Stéphane Bourgoin, écrivain, spécialiste des serial killers, à la limite de la mythomanie, a menti sur son parcours professionnel : il n’avait pas de compagne assassinée aux États-Unis en 1976, ni effectué formation au FBI ni interrogé un nombre très enjolivé de tueurs en séries. 
Plus classiquement et de façon plus répandue, on trouve le mensonge par politesse ou par convention, par besoin de créer le lien social nécessaire au vivre ensemble, ou encore le fameux « mensonge pieux », pour ne pas blesser l’autre.

Le mensonge n’est pas spécifique aux individus. Un État peut mentir à la population, pour la rendre plus docile, éviter de l’affoler ou encore la manipuler pour orienter son opinion. On se souviendra du fameux nuage de Tchernobyl qui s’est arrêté à la frontière française, ou plus récemment, des masques lors du confinement, qui ne sont pas indispensables lorsqu’ils sont en manque, et obligatoires dès réception par le pays… De plus, une voiture électrique ne pollue-t-elle pas autant voire plus qu’une voiture classique avant même d’avoir roulé le moindre kilomètre ? La batterie est source de pollution et peu recyclable.

En ce qui concerne la manipulation, nous vivons à l’ère des fake news (fausses nouvelles). Par exemple, le 8 septembre 2021, le quotidien régional Ouest France a annoncé que 98% des Parisiens de 18 à 64 ans étaient totalement vaccinés contre la COVID-19. Ce chiffre ne prenait pas en compte le nombre important de non-Parisiens en transit qui se sont fait vacciner à Paris. En réalité, le nombre de Parisiens tous âges confondus vaccinés était de 73%. À l’heure où l’information va très vite, un gros mensonge sera émotionnellement plus percutant, plus voyant et plus impactant émotionnellement qu’une petite vérité, pour faire le « buzz ».

La caverne de Platon 

Nous vivons dans un monde d’apparences et d’illusions. Nous nous cachons sous des tenues élégantes, de belles voitures et de grandes maisons, mais plus que tout, nous nous cachons derrière nos représentations : nous vivons tous conditionnés par notre culture, notre éducation, la publicité ou encore les réseaux sociaux. Que l’on soit écologiste ou climatologue, le résultat ne sera pas le même pour les internautes, sur le moteur de recherche Google. 

Dans son livre La République, Platon dénonçait déjà l’esclavage de la condition humaine, dans sa désormais célèbre Allégorie de la Caverne : des prisonniers dans une grotte, ne pouvant que regarder devant eux voient les ombres d’objets brandis derrière eux. N’ayant rien connu d’autre de leur vie, ils croient que ces ombres, ces représentations, sont la réalité. L’un d’eux arrive à se libérer et sort de la caverne. Il découvre les feux projetant les ombres sur le mur, les objets et non plus leurs reflets, et le soleil qui l’éblouit. Platon à travers ce mythe nous indique que nous devons passer de l’apparence, des croyances et des opinions à la réalité et à la vérité et à l’essence des choses. Il nous invite à sortir de notre conditionnement par une éducation philosophique visant à rechercher la vérité, pour apprendre à penser par soi-même.

Le droit de mentir ?

Plusieurs philosophes ont médité sur le fait de mentir : saint Augustin, Emmanuel Kant et Benjamin Constant. 

Saint Augustin, a écrit un traité sur le mensonge où, sous le prisme de la religion chrétienne, il dénote différentes situations dans lesquelles il est possible de mentir. 
Assez intransigeant, il insiste sur le fait que « la bouche qui ment tue l’âme » (2). Par conséquent, même pour sauver une vie, mentir n’est pas autorisé, pour le salut de son âme.
« Il n’est jamais permis de mentir pour sauver la vie temporelle d’un autre » (3).
Il différencie également le mentant et le menteur : « Le mentant est celui qui ment malgré lui; le menteur aime à mentir et goûte intérieurement le plaisir de le faire. » (4)
Il explique son rejet du mensonge par le fait qu’en s’arrangeant avec le mensonge, notre perception de celui-ci se retrouve altérée par nos peurs et nos passions (nos émotions qui peuvent parfois nous entraver dans la réflexion et l’action raisonnée). « En effet, si vous accordez qu’on peut quelquefois faire un mal moindre pour en éviter un plus grand ; ce ne sera plus d’après les règles de la vérité, mais d’après ses passions et ses habitudes que chacun mesurera le mal ; et le plus grand pour lui ne sera pas, en réalité, celui qui doit lui inspirer le plus d’aversion, mais celui qu’il redoute davantage. » (5)

À l’époque du Siècle des Lumières, Emmanuel Kant suit les traces de saint Augustin, plus par la raison que par la religion. Par son « impératif catégorique », il dit : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » (6)
Il nous faut agir de sorte que nos actions deviennent des lois pour nous-même comme pour les autres. Voulons-nous mentir et acceptons-nous que les autres nous mentent également ? Non, bien sûr. Par conséquent, pour Kant, la vérité est un devoir moral absolu, en toute circonstance. Ainsi, il va jusqu’à prétendre : « Envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime. » (7)

Le Français Benjamin Constant répond à Kant : « Ce principe isolé est inapplicable. Il détruirait la société. Mais, si vous le rejetez, la société n’en serait pas moins détruite, car toutes les bases de la morale seront renversées. » (8). Il rend donc la franchise relative et dépendante de la situation. « Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. » (8)

Finalement, peut-on mentir ? Sous deux prismes différents, saint Augustin et Kant répondent non en théorie, mais en pratique ? Tout dépend de la position où l’on se place par rapport à la loi ou à sa propre morale.
Mentir est donc propre à la nature humaine mais il est de notre responsabilité d’apprendre à doser notre mensonge et d’apprendre à dire le plus souvent possible la vérité. Cependant, on peut mentir pour une noble cause, comme sauver la vie d’une personne. Tout dépend du but de l’entreprise. Peu sont les personnes qui blâmeraient un médecin cherchant à préserver un malade de son état. En définitive, c’est le but du mensonge qui détermine si celui-ci est bon ou mauvais.

(1) Saint Augustin, Sur le mensonge, suivi de du maître p.11, édition Librio 1974, 94 pages
(2) Ibidem, page 15
(3) Ibidem, page 20
(4) Ibidem, pages 28-29
(5) Ibidem, page 27
(6) Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Éditions Flammarion, 2006766 pages
(7) Benjamin Constant/Emmanuel Kant, Le droit de mentir, Éditions Mille et une nuits, 2003, pages 31 et 32
(8) Ibidem, page 35
par Loïc YAMBILA
membre de Nouvelle Acropole Strasbourg

Le mensonge

Tout le monde ment, un certain docteur l’a dit
Parfois j’me demande si ça nous coûtera l’paradis
De mentir encore, encore et toujours plus,
Du premier chapitre jusqu’au terminus.
Du « ce n’est pas ce que tu crois » au classique « ça va »
En passant par la petite souris ou le père noël
Il faut se l’avouer, on ment tous parfois 
Pour se protéger ou se rendre la vie plus belle. 
Le problème avec le mensonge c’est lorsqu’il est découvert
Nous laissant dans la bouche un arrière-goût amer
Une perte de confiance et une grosse cicatrice
Causé par du vice.
Il ne fait même pas partie des sept péchés capitaux
Pourtant en comparant pour moi, il n’y a pas photo
Ce vice, cette tare, cette caractéristique
Qui peut parfois se montrer aussi dure qu’une pique
On ment pour faire rire ou dissimuler
Empêcher de faire souffrir ou sans dignité
On ment pour faire plaisir ou attirer l’attention
Pour mieux manipuler ou demander pardon
Grand Corps Malade dit qu’on ment pour qu’on nous dise je t’aime
Kery (1) dit qu’il y a beaucoup de menteurs dans l’rap game
Pour moi ça entraîne colère, tristesse, puis peine
Ça va de l’enfance brisée à la vie bouleversée
Sachez seulement qu’avec mensonge, il y a un après.

(1) Kery James, rappeur français auteur des chansons BanlieusardsLettre à la République
par Loïc YAMBILA
Membre de Nouvelle Acropole de Strasbourg

Articles similaires

Laisser un commentaire

Bouton retour en haut de la page