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La coupe de Lycurgue, un procédé de fabrication complexe, du temps des Romains

La coupe de Lycurgue est une œuvre originale romaine, datant du IVe siècle. Réalisée en verre, en utilisant les propriétés des matériaux à l’échelle du nanomètre, elle s’éclaire de différentes couleurs en fonction de la source de lumière.

Parmi les objets les plus exceptionnels et les moins connus du British Museum, face à la salle dédiée aux Saxons, se trouve la coupe en verre dichroïque qui présente des couleurs différentes selon la lumière qui la traverse. La coupe présente une lumière rouge lorsqu’elle est éclairée par l’arrière et une lumière verte lorsqu’elle est éclairé par l’avant.
C’est le seul objet en verre romain, de ce type de matériau datant du IVe siècle, retrouvé presque intact.
Donald B. Harden, conservateur de l’Ashmolean Museum, l’a décrit comme « le verre le plus spectaculaire de l’époque, le plus extraordinairement décoré qui ait jamais existé ».

La coupe est un exemplaire rare et complet de type « coupe cage », ou diatrète ; méticuleusement taillée et polie, ne laissant qu’une « cage » décorative émergeant du fond du verre.

La symbolique de la coupe de Lycurgue

Dans la plupart des cas, ce type d’objet présente un décor géométrique et abstrait, ce qui en facilite la réalisation. En revanche, cette coupe est composée de plusieurs figures, le roi mythique Lycurgue (1) qui, dans un accès de folie, tente de tuer la nymphe Ambroisie. Celle-ci se transforme en vigne et attache et piège Lycurgue. La nymphe accroupie et terrifiée se protège. Derrière, un satyre du cortège de Dionysos se tient debout, portant la houlette de berger et faisant le geste de jeter une pierre à Lycurgue. À droite de Lycurgue apparaît l’un des animaux emblématiques de Dionysos, la panthère, au geste menaçant, suivie de Dionysos lui-même portant le thyrse (2) et vêtu de la tunique orientale qui rappelle son origine mythologique en Inde.
Dionysos se venge du sacrilège de Lycurgue : dans l’Iliade, lorsque Dionysos encore enfant parcourt ses terres, Lycurgue l’assaille sur le mont Nysa et fait fuir les hyades qui lui servent d’escorte. Il commence à couper les vignes sacrées qui surgissent après chaque pas du dieu et oblige Dionysos à se sauver. Aveuglé par la folie que lui envoie Zeus, Lycurgue démembre son fils, le prenant pour un cep de vigne dans son combat contre les vignes, et meurt, selon cette version du mythe utilisé sur le verre.

Certains auteurs suggèrent que la couleur de la coupe qui est verte, vire au rouge comme pour évoquer la maturation des grappes de vigne qui passent du vert au rouge et indiquer qu’elles peuvent être transformées en vin, le nectar de Dionysos ou Bacchus à l’époque romaine.
Il est probable que cette coupe était utilisée dans les célébrations des cultes bachiques (3), une des formes religieuses des Romains vers le IVe siècle après J.- C. La coupe symbolise le cycle annuel de la transformation de la vigne et incarne le calice où est déposé le breuvage dionysiaque.

Une biographie intitulée Histoire d’Auguste, mentionne l’existence de coupes dichroïques, à travers une lettre que l’empereur Hadrien aurait envoyé à son beau-frère Servianus. Il fait allusion à l’envoi d’un cadeau à Servianus consistant en deux coupes dichroïques.
« Je t’ai envoyé des coupes très particulières qui changent de couleur, qui m’ont été offertes par l’un des prêtres du temple. Je les dédie tout particulièrement à toi et à ma sœur. J’espère que vous pourrez les utiliser lors de banquets et jours de fête. »

Le mystère du verre dichroïque

L’effet dichroïque est obtenu en introduisant dans le verre une très faible proportion de nanoparticules d’or et d’argent, dispersées à l’état colloïdal, à travers le verre.
330 parties d’argent et 40 parties d’or auraient ainsi été introduites par flux de verre d’un million, dans la masse du verre de cette coupe. Ces métaux colloïdaux arrêtent le spectre d’onde de la couleur bleue, la lumière froide, et laissent passer le rouge, lorsqu’ils reçoivent une impulsion lumineuse, provoquant le changement de couleur de la coupe. Cette dernière revient à sa couleur verte naturelle une fois l’effet lumineux terminé.
Bien que certains pensent que cet effet avait été produit par hasard, l’étude réalisée sur des restes de verre dichroïque romain montre qu’il s’agissait d’un procédé connu des artisans romains de haut niveau – on suppose que les ateliers étaient à Rome et à Alexandrie – et qu’ils savaient calculer la proportion de nanoparticules d’or et d’argent à l’état colloïdal en fonction de la masse du verre à utiliser. Seuls des artisans de haut niveau étaient capables de fabriquer du verre dichroïque et de sculpter ce type de verre. Par contre, à ce jour, nous ne disposons d’aucun texte expliquant qui a découvert cette formule et cette technique extraordinaires.

Une découverte récente

Cette coupe est apparue vers l’an 1800. Elle faisait partie d’objets pillés dans les trésors des églises, pendant la période de la Révolution française et des guerres qui l’accompagnaient, et servait probablement de calice dans les services de la religion chrétienne.
Vers 1857, elle fut achetée par Lionel de Rothschild et un siècle plus tard, un de ses héritiers, Victor Lord Rothschild, la vendit au British Museum où elle y est toujours exposée.
Cet objet a intrigué le monde scientifique pendant de nombreuses années, jusqu’à l’arrivée de puissants microscopes en 1990 qui en ont percé le mystère. Mais il prouve que les anciennes civilisations connaissaient déjà certaines technologies complexes.

(1) Roi des Édoniens de Thrace, fils de Dryas
(2) Grand bâton évoquant un sceptre. Il peut être orné de feuilles de lierre ou de vigne et surmonté d’une pomme de pin. C’est l’attribut de Dionysos
(3) Culte dédié à Bacchus
par Fernand SCHWARZ
Fondateur de Nouvelle Acropole en France
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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