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La force du silence : Contre la dictature du bruit

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 L’humanité doit entrer dans une forme de résistance.
Que deviendra notre monde s’il ne recherche pas des espaces de silence ?
Le repos intérieur et l’harmonie ne peuvent découler que du silence. Sans lui, la vie n’existe pas.
Les plus grands mystères du monde naissent et se déploient dans le silence. 
Cardinal Robert SARAH

Pouvons-nous nous épanouir sans le silence ?

Cette réflexion philosophique est inspirée de l’ouvrage du Cardinal Robert Sarah, La Force du Silence (1), sur la nécessité absolue pour l’homme de retrouver le chemin du silence, qui, seul, peut nous mener à l’essentiel de l’Être.

Le silence contre le bruit du monde

« De tant être en contact avec des éléments artificiels, nous avons perdu la capacité de chercher une finalité aux choses et, ce qui est dramatique, c’est que nous avons perdu la possibilité de trouver aussi une finalité à notre propre vie », disait le fondateur de Nouvelle Acropole, Jorge Angel Livraga.
L’artificiel, le fait de vivre à la surface nous décroche de nos finalités, de notre profondeur et de nos racines métaphysiques. Mais revenir à l’essentiel est particulièrement difficile dans le monde très agité à l’intérieur duquel nous vivons.

Une pratique de la profondeur

Ce qui rend difficile ce contact, entre la surface et la profondeur, c’est le fait d’avoir du mal à trouver le chemin entre le moi personnel, agité par les circonstances, et ce que la tradition orientale appelle le Soi ou le moi profond. La pratique et l’expérience du silence sont utiles et nécessaires pour relier les deux. Ceci demande de commencer à calmer le moi personnel uniquement centré sur lui-même, pour pouvoir l’ouvrir, par le silence, à quelque chose d’autre, qui est déjà en nous. Cette autre chose est de l’ordre de la présence. Un aphorisme oriental dit que « Le vrai silence n’est pas l’absence de bruit mais la présence de l’être ». « Je suis en moi ou je suis en Dieu, il n’y a pas de milieu. »

Le silence ne s’oppose pas au bruit mais à la parole

« Si la parole caractérise l’homme, c’est le silence qui le définit, parce que la parole ne prend de sens qu’en fonction de ce silence », écrit le Cardinal Robert Sarah.

Dans la nature il y a toujours du bruit : les oiseaux, le vent, les arbres, la mer. On ne peut pas imposer le silence à la nature pas plus qu’à ceux qui nous entourent. Nous devons également faire attention au bruit de notre propre pensée. L’opposé du silence c’est le bavardage, la parole non authentique, la parole inutile, qui n’est pas précédée d’un silence, qui ne vient pas du vide à l’intérieur de nous-même mais du trop-plein qui est à la surface. Cette parole ne peut être empreinte de la profondeur, de la lumière, de la sagesse.

Philosopher, c’est parler à partir du silence puisque la pensée elle-même naît du silence. C’est partager un dialogue basé sur l’intimité du lien que nous avons avec notre propre âme. Ceci permet d’habiter les mots et leur signification pour leur redonner toute leur profondeur, pour entrer en compréhension avec les enseignements.

Le bavardage, ne vient pas du vide à l’intérieur de nous-même mais du trop-plein
qui est à la surface

Faire silence pour nous rapprocher de l’autre

Ce qui nous intéresse, en tant que philosophe, c’est de nous servir du silence pour entrer en relation non seulement avec nous-même mais aussi avec les autres. C’est de parvenir au silence intérieur qui permet d’écouter une autre voix, celle de la sagesse, celle de l’âme, la nôtre et celle de l’autre.

« Le silence de la vie quotidienne est une condition indispensable pour vivre avec les autres. Sans la capacité du silence, l’homme n’est pas capable d’entendre son propre entourage, de l’aimer et de le comprendre. La charité naît du silence. Elle procède d’un cœur silencieux capable d’écouter, d’entendre et d’accueillir. Le silence est une condition de l’altérité et une nécessité pour se comprendre soi-même. Sans silence, il n’y a ni repos, ni sérénité, ni vie intérieure. Le silence et la paix battent d’un seul cœur »écrit le Cardinal Robert Sarah.

La pratique du silence

Dans l’Antiquité, le sage est celui qui est capable de faire silence c’est-à-dire de faire taire ses passions et ses jugements. Sénèque disait : « À quoi bon le silence entre les quartiers si à l’intérieur de nous grondent les passions ».

Pour cela nous cherchons à renforcer notre propre densité intérieure, notre maîtrise de nous-même par la pratique de la philosophie. Pour pouvoir réagir différemment aux contrariétés de nos vies quotidiennes et aux difficultés de notre monde et agir utilement, il faut savoir accueillir la réalité du monde avec notre profondeur et pas avec notre surface. Quand on est à fleur de peau, énervé, écorché vif, on ne peut que réagir instinctivement, en général par la révolte ou par un sentiment d’impuissance.

Notre pratique en tant qu’école de philosophie c’est donc d’apprendre à cesser de réagir pour agir. Cela implique avoir une réflexion plus profonde sur le monde, sur nous-même, sur les événements en essayant de percevoir ce qu’il y a derrière l’agitation extérieure.

Garder la centralité

Il s’agit d’accueillir la réalité extérieure dans notre espace intérieur. Cela implique une capacité d’auto limitation, de se retenir mentalement, de ne pas précipiter son jugement. Les philosophes antiques parlaient également de l’ataraxie, c’est-à-dire d’une tranquillité de l’âme qui vient de la modération et du fait de pouvoir se situer avec équanimité par rapport aux choses : pas de projections, pas de critiques, pas d’attentes, pas d’anxiété. Devenir plus conscient de ce qui dépend de l’autre et de ce qui dépend de moi. Ce qui dépend de moi c’est de pouvoir garder ma propre centralité. Au centre de nous il y a le silence. Celui qui apprivoise le silence réagit de manière moins passionnelle, il est moins emporté par les circonstances.

L’art de la solitude

Si je sais rester en silence, j’apprends à garder distance par rapport à mes réactions aux événements et aux autres, je garde ma solitude. La solitude ne dépend pas du fait d’être seul ou avec les autres, la solitude est un état de conscience dans lequel on n’oublie pas la présence de son être intérieur. C’est pour cela que nous cherchons à renforcer notre propre densité intérieure, notre maîtrise de nous-même pour parvenir au silence intérieur c’est-à-dire au silence qui permet d’écouter une autre voix, celle de la sagesse, celle de l’âme, la nôtre et celle de l’autre.

« Le silence est la plus grande liberté de l’homme. Aucune dictature, aucune guerre, aucune barbarie ne peut lui enlever ce trésor divin », dit le Cardinal Robert Sarah

(1) Cardinal Robert Sarah avec Nicolas DIAT, La Force du silence, Éditions Fayard,  2016, 378 pages, 21,90 €
Françoise BÉCHET
Philosophe, formatrice à Nouvelle Acropole
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole 

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