Les exercices spirituels philosophiques
#5 Maîtriser sa sensibilité
Celui qui est maître de soi est aussi maître de ses émotions.
Sénèque
Les stoïciens recherchaient la tranquillité de l’âme. Pour cela, il était nécessaire de se maîtriser et de contrôler ses émotions.
Faites-vous partie de ceux qui pleurent comme une madeleine devant un film et sortent complètement déprimés de la salle de cinéma ? Ou qui montent sur leurs grands chevaux pour un rien en gardant rancœur pendant des jours ? Ou bien encore qui se laissent tracasser par des broutilles jusqu’à en perdre le sommeil ? Tout ceci n’est qu’une question de sensibilité !
Résister aux troubles de l’âme
Nous savons tous combien les émotions qui nous habitent peuvent nous envahir, au point même de nous déstabiliser, de nous faire perdre nos idées et nos moyens, et finalement de nous rendre inapte à réagir aux circonstances. On dit que les stoïciens recherchaient le remède à cela par la tranquillité de l’âme, en grec « apathie », ou absence de trouble, que certains ont traduit par une absence totale d’émotions. Mais le fakir n’est pas un sage, et l’indifférent n’est pas un philosophe, car l’indifférence aux autres est tout simplement inhumaine. L’apathie n’est autre que le pouvoir de ne pas nous faire renverser par nos émotions.
Renforcer la maîtrise de soi
Pour y parvenir, notre âme doit être sereine. C’est pourquoi l’équanimité de l’âme a été un domaine de prédilection des exercices spirituels philosophiques. Les stoïciens ont travaillé ce sujet par des pratiques qui, aujourd’hui, peuvent paraître choquantes. Par exemple, Épictète conseillait, lorsque l’on embrassait un ami, ou un enfant, de se répéter intérieurement : « Demain tu mourras». Bien sûr il ne s’agissait pas de cultiver la morbidité ! Le but de cet exercice spirituel était simplement de mettre en évidence la sensibilité de l’âme et de s’exercer à y résister.
On dit que Marc Aurèle, l’empereur philosophe, a longuement pleuré la mort de ses proches (comme celle de sa femme, de son précepteur ou de ses fils) mais que, dans le même temps, il n’a jamais paru accablé plus de quelques jours sans jamais abandonner ses tâches. Comment parvenir à cette équanimité ?
Le chagrin est là, mais le philosophe sait se ressaisir pour ne pas souffrir inutilement et perdre conscience. L’exercice consiste non pas à annihiler toute réaction émotionnelle négative, mais plutôt à ne pas l’alimenter, afin que celle-ci ne prenne pas plus d’ampleur. Voici le conseil de Marc Aurèle « Supprime l’idée que tu t’es faite ; et, du même coup, tu supprimes aussi ta plainte : « je suis blessé ». Supprime le « je suis blessé » et, du même coup, la blessure est supprimée également. » (1) En clair, il s’agit de ne pas ruminer, faire en sorte de ne pas donner corps et chair à l’émotion qui nous a touché. Pour cela il faut lui enlever toute consistance.
Voici donc une pratique simple. Si quelque chose nous contrarie, éviter de nous le répéter et si ce n’est pas possible, penser « ce n’est rien, ça passera » afin de nous en détacher. C’est d’ailleurs le conseil que nous donnerait un ami. Un autre exercice est de penser le contraire de ce qui arrive, afin de ne pas nous laisser entraîner par le ressenti. De manière instinctive nous pensons que c’est un mal ? Habituons alors notre pensée à penser que c’est un bien, en regardant le bon côté comme on dit.
Car, en définitive, seul le temps nous dira véritablement ce qu’il en est…
