Sciences humaines

L’Arbre de Mai, une tradition ancienne

La tradition de l’Arbre de mai est un rite de fécondité lié au retour du feuillage des arbres. Elle consiste à planter un arbre, ou un mât qui le représente, dans le courant du mois de mai. Répandue dans toute l’Europe, cette tradition connaît différentes variantes et déclinaisons de son nom : arbre de joie ou arbre de mai, mai verdoyant, le mai, arbre individuel, arbre d’amour. 

C’est le plus souvent dans la nuit du 30 avril au 1er mai, que cette ancienne tradition veut qu’on apporte un arbre de la forêt et qu’on le place au milieu du village. Cette fête célèbre la résurrection du monde végétal et de la vie universelle, et a pour fonction de stimuler les forces de reproduction de la terre. Ce rite de fécondité, lié au retour de la frondaison, marque aussi le passage d’une saison à l’autre. Autour de l’arbre du renouveau, planté sur la place centrale du village, orné de fleurs, de guirlandes et de rubans, la population se réunit pour festoyer pendant tout le mois de mai. On plante aussi des arbres de mai devant les églises, ou sur les places publiques. L’arbre de l’année précédente est brûlé, et ses cendres, soigneusement recueillies, sont réputées pour leurs vertus fertilisantes. 

Des origines égyptiennes et grecques 

La symbolique de l’Arbre de mai est en lien avec l’archétype de l’Arbre de vie, de l’Arbre en tant qu’axe du monde si bien décrit par Mircea Eliade, ou de l’Arbre-Monde. L’arbre-monde est un symbole renvoyant, au sein de plusieurs mythologies, à l’existence d’un arbre cosmique reliant les différentes parties de l’Univers, le monde céleste, terrestre et souterrain. 

Dans l’Égypte ancienne, l’érection du pilier djed était effectuée durant les très importantes fêtes du mois de Khoïak. Des rubans de momification permettaient de reconstituer le corps démembré d’Osiris. L’érection du pilier djed représentait symboliquement la capacité de régénération du dieu. 
À l’origine, selon l’égyptologue Georges Posener, le symbole du pilier djed est parfois interprété comme la figuration stylisée d’un arbre en fleurs ou d’un arbre ébranché, ou comme un mât constitué de faisceaux de tiges végétales (peut-être une haute gerbe de céréales), ou encore un pieu à entailles ; finalement, il serait l’évocation d’une colonne vertébrale, l’épine dorsale d’un bovidé. Au Nouvel Empire, il sera clairement identifié à la colonne vertébrale du corps d’Osiris. Toujours est-il que ce talisman jouait un rôle dans les rites de fertilité, et que, par assimilation au mythe osirien, il symbolise la résurrection. 

En Grèce antique, les Ménades (Bacchantes chez les Romains) effectuent une danse de Mai à base de rubans dans le but de reconstituer le corps de Zagreus/Dionysos qui a été découpé en morceaux par les Titans, ce qui n’est pas sans rappeler aussi le mythe d’Osiris. On trouve ainsi, sur des poteries grecques du Vsiècle av. J.-C., Dionysos représenté comme un arbre habillé et masqué, couronné et entouré de Ménades enroulant des rubans à base de feuilles et de fleurs, autour de son corps démembré. 
Il existe une association très ancienne dans cette tradition entre le mât et les rubans multicolores. Le mât symbolise l’axe du monde, la verticalité, l’immobilité ; il est associé à l’espace ; les rubans et la danse qui les accompagne représentent le mouvement, le temps, les saisons, l’horizontalité. L’union des deux symbolise l’espace/temps vivant et sans cesse renouvelé.  

L’Arbre de Mai, tressé de rubans multicolores

Le Mât ou Mai donne sa cohérence et sa solidité au cosmos : il représente l’Arbre, centre du Monde, qu’il résume et symbolise. Le Pommeau est la pomme d’Apollon et, chez les Provençaux, le Soleil au centre et au plus haut du Mai et, sans doute, était-il fait d’une boule d’ambre. Les Petits Rubans qui forment la partie conique ; ils figurent le fleuve d’étoiles, la voûte céleste d’Ouranos et plus particulièrement le pont ou arc en ciel, le chemin ascensionnel de l’âme. La Couronne qui symbolise la limite du monde étoilé visible.  Les Grands Rubans qui seront spiralés ou tressés le long du Mai par la danse doublement serpentine, telle qu’elle est restée dans le caducée de Mercure. 
Cette danse de rubans qui se tressent autour du mât symbolise la Roue de la Vie, les cycles saisonniers et le destin autour du temps qui s’écoule. La tradition de l’Arbre de mai est encore vivante en France, dans de nombreuses régions. 

Une tradition encore vivante en Provence et en Bretagne

En Provence, la danse autour du mât est encore pratiquée de nos jours, et s’appelle la danse des cordelles. Danse d’origine archaïque, associée à l’Arbre cosmique, cette danse représente le tissage de la vie autour de l’axe du monde reliant le Ciel à la Terre. La danse s’effectue autour d’un mât au sommet duquel sont attachés des rubans multicolores ; les danseurs tressent, puis détressent les rubans au cours de la danse. C’est une danse de fertilité reliée à la tradition des arbres de Mai. Elle est devenue tardivement la danse du métier de cordeliers, fabricants de lacets, de cordes et de rubans. Cette danse des cordelles est répandue dans bien d’autres pays que la France, en Allemagne et en Autriche notamment.  

Dans la tradition celtique, le 1er mai est le jour de la fête de Beltaine ou Beltane, date à laquelle les Celtes passaient de la saison sombre à la saison claire. Beltaine est la troisième des quatre grandes fêtes religieuses de l’année celtique protohistorique, fêtée le 1er mai. Elle est en rapport avec Belenos, Lug et Belisama. Le principal rituel de Beltaine consiste en des feux allumés par des druides où le bétail passait afin qu’il soit protégé des épidémies pour l’année à venir. De manière générale, c’est une fête de changement de rythme de vie. Du rythme hivernal, on passe au rythme estival.  La fête marque ce passage tant physiquement que spirituellement.

La danse réalisée autour d’un mât de mai est un des moments forts de la fête : un grand poteau est planté dans le sol pour le fertiliser ; des rubans de toutes les couleurs sont attachés en son sommet, et chaque participant tourne autour du mât avec un ruban dans la main. Le mât de mai est traditionnellement en bouleau. C’est un grand tronc d’arbre de plusieurs mètres de haut. On le plante dans la terre, on accroche une belle couronne de fleurs en son sommet et on y plante des anneaux en métal pour y attacher des rubans de couleurs différentes. Le mât de mai est un tissage géant où chaque participant est comme une aiguille, on passe dessus, dessous… Avec des musiciens, violonistes, harpistes, flutistes, la fête est encore plus vivante. 

par Brigitte BOUDON
Formatrice de Nouvelle Acropole Marseille et auteur
© Nouvelle Acropole
La revue Acropolis est le journal d’information de Nouvelle Acropole

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