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L’âme de la France, Du Roi des Francs au Roi de France

Dans un précédent article, Fernand Schwarz a débuté un voyage dans l’Histoire de la France pour explorer les différentes composantes de l’âme de ce pays. Après la découverte de la Gaule et de la royauté féodale, l’auteur nous transporte dans la période du XIIe XIIIe siècle, qui fut un grand changement pour l’avenir du pays.

Au XIIe siècle, Philippe Auguste se proclama Roi de France et non plus Roi des Francs. Il régna pendant quarante-trois ans (1180-1223). Devenant «Roi de France», il changea totalement le concept de la royauté. Il n’était plus le roi d’un peuple, mais d’un territoire où résidaient toutes sortes de peuples différents et, pour gouverner, il instaura des institutions de gouvernance et de centralisation du pouvoir.

La France, hexagone et État-Nation

Avec Philippe Auguste se clôtura la royauté féodale. Les féodaux s’étaient alliés à Othon IV, l’empereur des peuples germaniques ainsi qu’à Jean Sans Terre d’Angleterre. Philippe Auguste mit ce dernier en fuite et la Normandie, l’Anjou et la Touraine revinrent au Roi de France. Quelques semaines plus tard, le dimanche 27 juillet 1214, son armée écrasa à Bouvines la coalition composée des féodaux et de l’empereur Othon IV. Cette date fonda la naissance de la Nation. Tous les chroniqueurs de l’époque exaltèrent le «fils de France» qui n’avait pas hésité à braver les dangers. Naquit le mythe d’un peuple victorieux autour du roi. Cette alliance entre le peuple et le roi, scella le pacte.
Plus tard, le Poitou, la ville de La Rochelle, Avignon et la Méditerranée se rajoutèrent à la carte du territoire. L’hexagone devint français. La nation française apparut à cette époque et Paris devint la plus grande ville d’Occident (50.000 habitants).
La France créa une administration (recensement, archives, nomination des «fonctionnaires») qui constitua un État ainsi qu’une diplomatie s’appuyant sur une force militaire, obligeant même le pape à composer avec lui. L’âme de la France acquit sa dimension politique et cet exemple fut observé dans tout le continent comme un modèle.
En plein siècle des cathédrales, la France incarna le modèle de l’État-nation. Toute une série de bâtiments fut construite pour asseoir les différentes fonctions du pouvoir et le pouvoir universitaire se mit en place. L’Église devint l’autorité intellectuelle du pays et Philippe Auguste, l’homme de la situation.

Philippe Aguste_N1La royauté au-dessus de tout

Au XIIIe siècle apparut cette phrase : «Dans toute la chrétienté, le roi de France n’a jamais d’égal.» Ce fut l’époque d’une nation qui innovait, qui était en plein essor et qui était le territoire le plus peuplé du continent européen. Quand saint Louis (Louis IX), son successeur, prit le pouvoir, la France comptait 13 millions d’habitants. Il régna 44 ans (1226-1270). Il ajouta la dimension de la piété à l’âme de la France, le souci de la Justice et de la Paix, lui apportant une singularité particulière au regard des autres royaumes. La fleur de lys qui était probablement associée au culte marial, devint symbole de la royauté.
Mort en croisé, le roi de France ne fut pas simplement un saint mais un martyr, et l’idée de la royauté française n’ayant jamais d’égale fut intégrée à jamais. C’était une royauté qui était au-dessus de tout.

Au XIVe siècle avec Philippe Le Bel, le modèle de l’état centralisateur s’affirma. Il n’était pas simplement organisé, il apprenait désormais à compter. Avant la naissance de Machiavel, la raison d’État fut inventée et marqua l’âme de la France avec le procès des Templiers. Le système voulut contrôler la totalité des activités du royaume et l’absolutisme s’accrût au fur et à mesure que l’État se construisit.
Philippe Le Bel enviait la richesse de la Flandre. Cette région industrieuse, bourgeoise et marchande lui résista, remportant la victoire sur les chevaliers aux «éperons dorés» à Courtrai en 1306 avec des fantassins et des milices des villes. Un autre modèle de l’Europe vit le jour, industriel et marchand. Par dépit, l’âme de la France s’interdit de l’introduire dans son imaginaire, expliquant ainsi les difficultés futures.

L’âme de la France et ses ombres

La Guerre de Cent ans gangréna l’âme de la France. Les jacqueries traversèrent le territoire, les grandes peurs et la violence s’installèrent. Les défaites ne furent pas simplement militaires (Crécy, Poitiers). Il y eut également la peste, «la grande faucheuse», qui causa de nombreuses pertes, et avec elle se réveilla des ombres de l’âme de la France, notamment une nouvelle maladie, l’anti-judaïsme, qui infesta le pays.
Déjà en 1269, le roi saint Louis avait exigé que les Juifs portent sur leurs vêtements un signe permettant de les reconnaître. Avec la croisade contre les cathares, une nouvelle ombre apparut dans l’âme de la France, l’Inquisition médiévale, qui sévit à partir de 1233 et qui fut à son apogée à cause de la croisade albigeoise. Elle fut active d’abord en Allemagne, puis s’implanta rapidement dans le Languedoc, sous l’impulsion du pape Grégoire IX et fut confiée à l’ordre des dominicains. Ses tribunaux dont le nom signifie «enquête» furent dirigés par des hommes à la fois enquêteur et juges. Les procès se déroulèrent sans avocat ni possibilité d’appel, les hérétiques furent privés de leurs droits civiques, excommuniés et pour beaucoup d’entre eux, condamnés au bûcher. Le roi de France appliqua la législation anti-hérétique.
Dans la même période apparut également le concept du «parti de la trahison» qui engendra plus tard le terme du «parti de l’étranger». Ce fut le fait des féodaux qui s’allièrent avec l’étranger contre la France. Cette coalition se regroupa autour de Charles II le mauvais et des Anglais, et se dissolut à Cocherel en 1364 par l’intermédiaire de Bertrand Du Guesclin. Ainsi le dauphin Charles put être couronné à Reims.
Ces trois ombres, qui virent le jour dans l’âme de la France entre le XIIIe et le XIVe siècle ne cessèrent pas de la hanter dans les siècles à venir.

La France en proie aux difficultés

Charles V fut appelé le «bon souverain». Il fut le modèle du bon souverain sage, du roi administrateur qui veillait à la bonne gestion de son royaume. Il déclara que le roi «doit seigneurier au commun profit du peuple». Il s’entoura d’hommes sages et de chefs de guerre prudents. Ceux-ci n’étaient pas des chevaliers téméraires qui se vantaient d’être les cibles des archers anglais. Le roi conseillait de ne viser que des Anglais, lorsqu’ils étaient en mauvaise posture et de ne pas parader pour l’honneur. Ce souverain, qui savait écouter son peuple et qui avait diminué les impôts, devint dans l’imaginaire français, le modèle du roi juste qui fut recherché, dans l’inconscient français, tout au long de l’Histoire de la France.

La France plongée dans un abîme

À sa mort, les Anglais ne possédaient qu’un infime territoire compris entre Bordeaux, Bayonne, Calais, Brest et Cherbourg. Mais paradoxalement, ce roi exemplaire parut incapable de prévoir que les privilèges qu’il accorda à ses trois frères (Jean de Berry, Louis d’Anjou et Philippe de Bourgogne), empêchèrent un bon conseil de régence pour le futur roi Charles VI, qui laissa finalement le royaume aux mains des Anglais et du roi Henri V.
La France replongea dans un abîme et cette situation allait se reproduire plusieurs fois dans l’Histoire de la France : quand tout paraît résolu, le royaume français peut s’effondrer de façon précipitée et quand tout semble perdu à jamais, il se redresse. Ce constat est une clé exceptionnelle pour comprendre les défis que doit résoudre la France aujourd’hui.
En 1422, le pays était presque totalement occupé et le roi bascula dans la démence. Le pays fut divisé et ces divisions arrivèrent à leur paroxysme. Le nouveau roi Charles VII, se réfugia avec sa cour à Bourges, sans être sacré roi à Reims. La France devint anglaise.

L’arrivée de Jeanne d’Arc

À cette époque, depuis la ville de Blois, Jeanne d’Arc prévint le roi d’Angleterre «Je suis venue ici de par Dieu, le Roi du Ciel pour vous bouter hors de France». En effet, en l’espace de trois mois, elle changea la situation et réveilla le patriotisme populaire. Et le roi Charles VII se fit sacrer à Reims le 7 juillet 1429. Le patriotisme et la foi qui s’exprimèrent plusieurs fois dans l’Histoire de France furent les agents de cette victoire «miraculeuse». «Comme plus tard, dit Clémenceau, ma France a rêvé d’être soldat de Dieu, ensuite soldat de l’humanité et enfin soldat de l’idéal».
Comme une constante qui revient souvent dans l’histoire de l’âme de la France, les grands personnages qui la sauvèrent furent souvent abandonnés. C’est ainsi que, le 14 mai 1931, Jeanne d’Arc fut brulée vive sur la place du marché à Rouen. En réalité elle ne fut jamais oubliée. Elle fut réhabilitée par la IIIe république et canonisée en 1920 par Benoît XV.
Paradoxalement, Charles VII devint plus tard volontaire et combattif et, le 17 juillet 1453, avec la victoire de Castillon en Guyenne il mit fin à la Guerre de Cent ans.

Par Fernand SCHWARZ

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