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ArtsHistoire

Clémenceau, le Tigre et l’Asie

Jusqu’au 16 juin 2014, le musée des Arts asiatiques Guimet a organisé une exposition

«Clemenceau, le Tigre et l’Asie» mettant en évidence un aspect peu connu du chef d’État.

Cette exposition révèle les trésors de la collection de Georges Clémenceau (1841-1929), rassemblés sur le thème de l’Inde, le bouddhisme et l’orientalisme. Loin d’accumuler les objets dans un seul but esthétique, Clemenceau a cherché leur signification profonde et s’imprégner du sens et de la pensée dont ils étaient issus. Promoteur du dialogue des cultures, Georges Clemenceau, surnommé le Tigre (1) contribua à diffuser la connaissance de l’art et des civilisations de l’Asie auprès du public français.

L’exposition évoque le périple du Tigre en Asie en 1920 et révèle des milliers d’estampes japonaises, des céramiques, des bronzes, des meubles, des boîtes à encens, des objets rituels de la cérémonie du thé. Elle a reçu le «label Centenaire» de la Mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale et fait partie du programme officiel commémoratif de l’Etat.

 Des facettes méconnues du chef d’État

Cette exposition a fait également découvrir des facettes totalement méconnues de Georges Clémenceau, homme d’état, figure charismatique, non consensuelle de l’histoire nationale française, connu surtout comme «le Père de la Victoire» de la première guerre mondiale.

Mais qui savait que ce terrien, fin politique, aux moustaches farouches, à l’œil perçant, ce chef de guerre qui a inspiré le Général de Gaulle, était aussi un «japoniste» distingué, grand collectionneur d’une impressionnante série d’objets remarquables ? Qui savait que le Tigre était aussi un esthète doué d’une grande sensibilité, ami d’artistes de son époque, comme Monet ? Et qu’il a été un farouche défenseur des cultures asiatiques ? De plus, il a été l’un des fondateurs du musée Guimet des arts asiatiques.

Georges Clémenceau fut l’un des plus grands hommes de l’histoire de France et, certainement, un de ses plus beaux esprits tourné vers une philosophie universaliste et un attachement au bouddhisme. Si les Français sont héritiers de sa sublime collection, ne le sont-ils pas tout autant de son idéal d’universalisme ?

Fils de médecin et médecin lui-même, il avait développé une philosophie de partage avec ses concitoyens. Devant affronter beaucoup d’inimitiés politiques, ce «tombeur de ministères» considérait l’art et la nature comme de grands consolateurs. Ne disait-il pas : «Nos richesses d’art ne sont-elles pas la propriété de tous les Français ?». Il considérait que l’art était une valeur essentielle de la civilisation, et il était animé d’une volonté de partage.

Le combat de Georges Clémenceau

Ce républicain de combat, ayant découvert la démocratie américaine, a été éditorialiste depuis octobre 1897 au journal l’Aurore qui deviendra la tribune des dreyfusards. C’est lui qui proposa pour l’article de Zola le titre J’accuse. Son rôle dans l’affaire Dreyfus fut essentiel.

Clemenceau s’opposé également à Jules Ferry et dénonça catégoriquement la politique colonialiste de la France. Lors d’un discours prononcé à la Chambre des députés le 31 juillet 1885, il se dressa contre les inepties de l’inégalité des civilisations. Pour lui, chaque civilisation a une valeur intrinsèque, et nous sommes «tous égaux et tous frères» : «Races supérieures ? Races inférieures ?… j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation, et de prononcer : homme ou civilisation inférieurs. Race inférieure, les Hindous ! Avec cette grande civilisation raffinée qui se perd dans la nuit des temps ! Avec cette grande religion bouddhiste qui a quitté l’Inde pour la Chine, avec cette grande efflorescence d’art dont nous voyons encore aujourd’hui les magnifiques vestiges ! Race inférieure les Chinois !… Inférieur Confucius ?».

Clemenceau s’intéressa fortement à l’histoire des religions et à la manière dont les gens donnent sens à leur vie dans les civilisations de l’Asie. Lui-même était athée, anticlérical, ardent défenseur de la laïcité. S’il rejetait le christianisme, ce n’était pas la doctrine évangélique qu’il refusait : «Si les hommes qui font profession de christianisme s’avisaient de pratiquer leur propre doctrine, il n’y aurait pas de question sociale» écrivit-il dans son ouvrage Au soir de la pensée (tome 2) (2).

Un passeur entre les cultures occidentales et extrême-orientales

À la fin de sa vie, Georges Clemenceau rédigea Au soir de la pensée. Sa vision profonde de la vie y transparaissait. Il offre ses méditations avec le souhait de récapituler les connaissances essentielles. Il étudia des thèmes aussi variés que : l’homme, le monde, les dieux, les lois, la connaissance, les symboles, la cosmologie, l’atome, l’évolution, la civilisation… Il expliqua que les anciennes philosophies hindoues apportaient des vérités qui n’ont jamais pu être dépassées par l’orgueilleux et présomptueux monde occidental.

«Qu’est-ce donc qu’avoir vécu ? Qu’est-ce donc que vivre et mourir ?… Comment éviterais-je la question de savoir qui je suis, d’où je viens, où je vais ? Arrêtons-nous à la source profonde plutôt qu’au banal abreuvoir. Quand les anciens philosophes de l’Inde nous apportaient des vues de philosophie que nous n’avons pas dépassées…» écrivit-il dans Au soir de la pensée.

La source profonde de l’hindouisme l’inspira aussi dans ses méditations. «Vivre ? La sensation d’une imaginaire fixité dans l’insaisissable révolution de cette éternelle Roue des choses, dont l’Inde n’eut la vision que pour l’irrésistible tentation de s’en affranchir.» écrivit-il dans le même ouvrage.

Georges Clemenceau, célèbre pour son athéisme et son anticléricalisme virulent a succombé au message du Bouddha dont il jugeait la doctrine supérieure, en bien des points au christianisme. Clemenceau décrivit le bouddhisme comme : «le plus noble enseignement qui ait jamais été». Ainsi, le Bouddha, «d’un suprême élan, atteignit les sommets d’une philosophie des choses, où l’homme communie avec toutes les émotions de la terre, dans une charité universelle des existences pour le soulagement des communes douleurs». Georges Clemenceau assistait souvent à des cérémonies bouddhistes célébrées au Musée Guimet, devenu le premier temple bouddhiste en France : «Que voulez-vous,  je suis bouddhiste» disait Clemenceau.

Un modèle d’universalisme pour la France

En 1917, dans des tragiques circonstances, Georges Clemenceau a redonné vigueur et énergie à la France et a permis la victoire française. Il a présidé la signature du traité de Versailles en 1919 (3) et a été accusé du caractère exorbitant de ce traité, car la revanche hitlérienne contre la France était en germe. Mais, il n’était pas seul responsable de ce fait, et il a reconnu plus tard «qu’il avait été dominé, lors du traité de paix, par les circonstances et affaibli par l’insuffisance de certains collaborateurs», écrivit son ami Germain Martin (1872-1948), auteur de Les grands messieurs qui firent la France (4). Après la guerre, il a fut évincé de la présidence de la République et quitta la politique pour se consacrer à des voyages et à l’écriture. La France perdit alors, dans la sphère politique, un véritable modèle d’ouverture, de générosité, d’universalisme qui aurait pu insuffler un plus grand humanisme dans l’éducation du peuple.

«Rêver, c’est espérer. Qui ne s’est pas construit un rêve au-dessus de ses moyens, et n’a pas tenté de le vivre, ne se sera pas montré digne d’un passage d’humanité» Georges Clemenceau

Dans Au soir de la pensée

Par Louisette BADIE

(1) Surnom qui indique la manière souvent brutale avec laquelle Clémenceau traitait ses adversaires politiques et le caractère inflexible qu’il montré comme président du conseil durant la Première Guerre mondiale

(2) Georges CLEMENCEAU, Au soir de la pensée, Tome 1 et 2, Éditions Plon, Paris, 1927

(3) Traité de paix signé le 28 juin 1919 au château de Versailles, entre l’Allemagne et les Alliés à l’issue de la Première Guerre mondiale. Il annonça la création de la Société des Nations et détermina des sanctions prises à l’encontre de l’Allemagne et de ses alliés

(4) Louis GERMAIN-MARTIN, Les Grands messieurs qui firent la France. Paris : Librairie Joseph Gibert, 1945. 415 pages, in-8° (18,5 cm), CHEFF BH 8° 9520

 Bibliographie

. Clemenceau, le tigre et l’Asie – L’objet d’Art, hors-série exposition n°74

. Au soir de la pensée, Tome 1 et 2, Éditions Plon- Paris – 1927

. Dictionnaire Larousse : rubrique Clémenceau

. Clémenceau, Michel WINOCK, éditions librairie Perrin, Paris, 2007

. Les grands messieurs qui firent la France, Germain MARTIN, Librairie Joseph Gibert

. L’héritage de Clemenceau, c’est l’universalisme, article- blog de Jean-Pierre Chevènement

. www.assemblee-nationale.fr/histoire/Clemenceau1918.asp

Musée Guimet des arts asiatiques

6, place d’Iéna- 75116 Paris

Tel : 01 56 52 53 00

ww.guimet.fr

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