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Société

Confiance dans l’adversité ?

Dans une conférence, le latiniste Pierre Boyancé a expliqué que « si l’on avait demandé à un Romain, ce qui lui paraissait la marque distinctive du caractère de son pays, ce qui lui semblait le secret de sa fortune [… ], « ce qui l’aurait exalté, ce n’est pas d’abord la valeur militaire, le courage des soldats, le génie des chefs, mais c’est bien probablement le respect de ses dieux : piétas(1) ». Comme le dira le poète Horace, c’est parce que « tu te conduis en inférieur des dieux que tu peux commander ». C’est déjà une indication intéressante pour ceux qui, hier et aujourd’hui, se prennent pour ce qu’ils ne sont pas. On est au service de et on ne se sert pas.

La confiance naît du lien et engendre toujours du lien.
La confiance naît du lien et engendre toujours du lien.

Mais, toujours selon Pierre Boyancé, si l’on avait demandé à ce même Romain ce qui, dans les rapports avec les hommes, donnait à la cité et à ses gens la vertu de s’imposer ainsi et ce que les dieux récompensaient en eux, il aurait peut-être bien répondu que c’était leur fides. Ce mot latin intègre dans sa signification la fidélité, la bonne foi, l’honneur, la parole donnée, l’engagement. Il est à la base de la notion de confiance (cum-fidere).
Remettre quelque chose à quelqu’un en se fiant à lui.

Dans la Rome antique, la confiance était la valeur essentielle qui commandait la vie en société. Elle était personnifiée par une déesse plus ancienne que Jupiter lui-même. Le monde ne peut exister sans confiance ni solidarité entre les principes qu’il gouverne.  Si les gens ne se font plus confiance, le monde se dissout dans le chaos.

Sur le Capitole, tout près du temple de Jupiter, les Romains avaient érigé deux autres petits temples, dédiés à deux autres déesses : la Concorde et l’Abondance. La confiance engendre la concorde et l’abondance et précède la sphère politique et économique, dont elle conditionne le bon fonctionnement.

Aujourd’hui, la confiance est presque considérée comme un concept économique : confiance des consommateurs, confiance des investisseurs, indice de confiance… Mais la confiance n’est pas produite par la sphère économique même si elle en a bien besoin pour fonctionner. C’est pour cela d’ailleurs, que même s’ils peuvent apporter une aide, les moyens économiques et financiers ne peuvent jamais résoudre les problèmes d’une société, surtout si elle est devenue une société de défiance, où les gens se jalousent et doutent les uns des autres, sans respect ni coopération.

Dans notre société individualiste, on parle de confiance mais il s’agit généralement de confiance en soi-même, que l’on recherche à partir de victoires extérieures et de reconnaissance sociale. Cette démarche n’engendre pas de véritable confiance, puisqu’elle n’est pas capable de créer du lien à autrui. La confiance a une dimension collective. Elle est l’expression d’un « nous » qui permet de structurer la vie sociale, à travers les communautés naturelles que furent un temps, la famille, l’école, la religion, l’armée, l’université, la nation… des lieux de confiance capables d’engendrer la conscience du « nous ».

La confiance naît du lien et engendre toujours du lien. Notre crise actuelle est une crise de lien, qu’il soit avec soi-même, avec autrui et avec les institutions. C’est toujours une question de lien, comme l’a très bien expliqué Abdennour Bidar (2).
La confiance en soi relève aussi de la capacité de créer des liens. Pour cela il faut également pouvoir croire en  les autres, leur faire confiance et accepter les risques de la dépendance dans la coopération.

Le problème actuel qui se pose est qu’une société, une éducation où l’on veut tout contrôler, tout savoir à l’avance, est incapable de tisser  des liens avec la réalité et l’impermanence qui lui est propre. Il faut développer une volonté d’aller de l’avant, aller vers l’inconnu, recréer d’autres liens, développer d’autres formes d’action, imaginer de nouvelles visions et ne pas avoir peur du futur.

Comme le dit Michela Marzano (3), la confiance est fondamentale car sans elle, il serait difficile d’envisager l’existence même de relations humaines, du rapport de travail jusqu’à l’amitié ou bien l’amour ; sans confiance, on ne pourrait même pas envisager l’avenir ni de projet à développer dans le temps.
C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de suivre le conseil de l’empereur philosophe Marc Aurèle : il faut aimer le destin, et j’ajouterai : en sachant  se battre dans l’adversité.

(1) Fernand SCHWARZ, La sagesse de Socrate, Philosophie du Bonheur, Éditions Viamedias, 2010, 128 pages
(2) Philosophe, normalien français né en 1971, spécialiste des évolutions actuelles de l’islam et des mutations de la vie spirituelle dans le monde contemporain, auteur de Les tisserands, réparer ensemble le tissu déchiré du monde, Éditions Les liens qui libèrent, 2016, 192 pages. Lire article de Fernand Schwarz, La Transition, l’accompagnement au changement page 3 de la revue
(3) Auteur de Qu’est-ce que la confiance ?, Revue Études, 2010/1 (tome 412)
Par Fernand SCHWARZ
Président de la Fédération Des Nouvelle Acropole

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